Au XIIIe siècle, partir en Chine tel Marco Polo tenait un peu de l’aventure, juste un peu. Imaginez, à l’époque, le Guide du Routard n’existait pas.
Deux cents ans plus tard, quand Christophe Colomb partait vers les Indes, c’était un tantinet téméraire, juste un tantinet, surtout avec un GPS qui lui recommandait de tenter le coup par l’ouest.
Il y a soixante ans, quand Nicolas Bouvier et Thierry Vernet partaient toujours vers l’Inde, ça relevait encore d’une certaine audace avec une part d’inconnu et de mystère.
Mais aujourd’hui, retour à la dure réalité, partir une année avec son sac à dos, ça fait rêver (ça me faisait rêver en tous cas) mais on ne peut plus vraiment qualifier ça de chevauchée fantastique.

Avant le départ, avec son ébauche d’itinéraire en poche (en ce qui me concerne, c’était Paris-Bangkok par voie terrestre), on est un peu émerveillé devant sa mappemonde. Tant de kilomètres à parcourir, tant de pays à traverser donne un peu l’impression d’une grande épopée. Pour un peu, on se sentirait presque l’âme d’un pionnier ! Mais une fois sur la route, on retourne très vite face à la dure réalité ! Un tel voyage n’a rien d’une épopée et des milliers de jeunes font de même tous les ans.
En fait d’épopée, il serait plus juste de dire que tous les trois ou quatre jours, on poursuit sa route quelques dizaines, tout au plus quelques centaines de kilomètres, à bord d’un bus ou d’un train que les autochtones empruntent quotidiennement. Rien qui ne soit donc à la portée du tout un chacun. La seule condition à la réussite est de savoir se contenter d’un confort quelquefois rudimentaire et de ne pas juger spontanément les choses nouvelles qui nous entourent, mais avoir un regard neuf d’enfant ébahi.

Alors que faire face à un tel drame de l’ego froissé à jamais. Pourquoi donc partir me direz-vous, ça semble tellement ennuyeux. Et bien tout simplement pour découvrir le monde tel qu’il est, avec ses propres yeux, ses propres oreilles et même au passage ses propres pieds car il va falloir tout de même crapahuter un peu. Et même si ça n’est plus une épopée mythique, ça reste une expérience humaine exceptionnelle et un bon moyen de remettre les pendules à l’heure. Non, contrairement à la perception colportée par les médias, le monde passé les frontières de l’Europe n’est pas forcément dangereux. Oui, dans de nombreux pays, la générosité humaine, l’accueil de l’étranger de passage ne sont pas de vains mots. Et au retour on voit la vie sous un autre angle. On n’en est pas pour autant métamorphosé mais changé oui.

Toutes ces rencontres, quelquefois tellement improbables, je trouve ça fascinant, quelques fois troublant. Et ça vaut bien plus que prétendre en rentrant avoir croisé des sauvages qui n’avaient jamais vu un blanc.
Alors certes il me reste bien quelques souvenirs de petites galères, plutôt cocasses avec le recul, mais ce serait un peu maigre pour le scénario du prochain Indiana Jones !
En conclusion, pour citer Nicolas Bouvier (vous l’aurez peut-être compris, je suis un des ses admirateurs) :
C’est le propre des longs voyages que d’en ramener tout autre chose que ce qu’on y allait chercher.
Et vous, que-ce que vos voyages vous apportent ?
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