Depuis mon arrivée en Turquie, deux mots laissés par les autres backpackers reviennent inlassablement dans les livres d’or des auberges: « go East ». L’Est de la Turquie, c’est le Kurdistan turc. Évidemment, avant d’aller à l’est, il ne faudrait tout de même pas oublier de visiter Istanbul, la porte d’entrée de l’Orient, mais c’est un autre sujet. Le Kurdistan turc est une région où règnent de nombreuses tensions depuis près de 30 ans entre les Kurdes qui revendiquent leur propre identité et la Turquie qui ne la reconnaît pas vraiment.
A peine débarqué à Sanliurfa, je suis l’objet de toutes les attentions. Ce n’est pas que les Turcs soient moins chaleureux que les Kurdes, mais ici le touriste se fait rare. Kurdistan rime encore avec PKK et guerre civile dans de nombreuses têtes, même si la situation est redevenue calme. L’accueil est à la hauteur de ce que j’ai pu lire. Dans les rues, je suis régulièrement abordé par des jeunes et des moins jeunes qui n’ont qu’un but, s’assurer que je suis accueilli comme un vrai pacha.

L’un d’entre eux, Aziz, tient un petit étal de vêtements dans les rues de la ville. Très rapidement, il m’invite à venir dîner chez lui. Il vit avec sa femme Ferida et leur dernier fils Pasha dans un appartement très modeste d’une seule pièce avec une petite cuisine attenante. Il s’est mis sur son 31 pour me recevoir. Son fils l’aide à s’exprimer quand son anglais lui fait défaut. Dès qu’on lui traduit un mot anglais qu’il ne connaît pas, il le note aussitôt dans son petit carnet qu’il a toujours sur lui. Il n’a évidemment jamais appris l’anglais à l’école. Son anglais, il l’a appris avec les touristes qu’il accueille régulièrement chez lui. Il n’a pas d’argent Aziz, mais durant mes quatre jours passés à Sanliurfa, il voudra que je vienne dîner chez lui chaque soir. Refuser le vexerait, lui qui porte si haut le sens de l’hospitalité kurde.

A Diyarbakir, la capitale de la province kurde, des retraités me voyant passer et repasser devant la maison de thé où ils sirotaient leur chai1, finissent par me faire asseoir pour la prochaine tournée. Aucun d’entre eux ne parle l’anglais, mais qu’à cela ne tienne, on ne s’arrête pas à ces détails ici. Avec mes deux mots de turc, j’essaye d’expliquer que je suis Français et que la Turquie est un güzel2 pays et le Kurdistan çok güzel3. Ils semblent ravis, le message est passé.
La visite de la mosquée de Diyarbakir me donne droit d’ailleurs à un épisode des plus hilarants. Un Kurde me voyant bien seul à lire le chapitre de mon Lonely Planet, consacré à cette mosquée, me rejoint et me prend le livre des mains. Il se dit que ça serait vraiment plus classe si c’était lui qui me lisait ledit chapitre. Rien d’extraordinaire, si ce n’est qu’il ne connaît pas un mot d’anglais et me lit donc ça phonétiquement. Ayant compris que je suis français, il est persuadé qu’il lit du français et en est assurément très fier. Je préfère ne pas essayer de lui expliquer que mon guide est écrit en anglais, j’ai trop peur de décevoir autant de bonne volonté !
Itinéraire de ce voyage
J'ai visité la Turquie en avril 2000 durant un voyage d'un an qui m'avait mené de la France au Laos par voie terrestre.
- Partir en Inde seul par la route : retour sur un voyage de la France au Laos
Un aperçu global de ce voyage
Le Kurdistan turc